La semaine dernière nous avions donc découvert “Le roi se meurt”. Drôle et léger face à un questionnement universel sur sa propre mort, Agathe Coquelle, nous emmène cette fois dans le Moyen-Orient pour y dresser une vision critique mais poétique de notre société. Pour se faire, celle-ci s’inspire du conte des “Mille et une nuits” auquel elle fait traverser les époques. 

La Traversée texte et mise en scène par Agathe Coquelle – La Compagnie à Ciel Ouvert 

“Shéhérazade, personnage phare du récit-cadre des Mille et une nuits doit de nouveau narrer des contes au sultan. Elle a déjà raconté toutes les fables qu’elle connaissait. Pourtant, elle n’a pas d’autre choix que de répondre à la demande de son époux si elle et sa sœur, Dunyazade, veulent rester en vie. Elle le supplie de sortir du palais, de voyager dans le temps afin de redécouvrir l’Orient pour le ravir avec de nouveaux récits. Shéhérazade parcourt une partie du Moyen et du Proche-Orient actuel. Sa traversée va-t-elle se dérouler comme elle l’avait imaginé ?” 

Sans avoir eu à lire une seule ligne des différentes versions publiées à ce jour des Mille et Une Nuits, tout le monde connaît depuis au moins deux siècles Shéhérazade, la combattante volontaire qui invente, du soir à l’aube, des histoires à rester éveillé au sultan Shahryar pour le distraire du projet funeste qu’il a conçu : épouser chaque soir une vierge avant de la faire exécuter à l’aube. 

« Le caractère des Mille et Une Nuits, écrit Goethe, est de n’avoir aucun but moral et, par suite, de ne pas ramener l’homme sur lui-même, mais de le transporter par-delà le cercle du moi dans le domaine de la liberté absolue. » 

Agathe Coquelle prend ici le parti de changer complètement l’histoire, en quête de nouveaux contes pour le sultan. Shéhérazade (incarné par Suzanne Ballier) se retrouve transporté dans le Moyen-Orient actuel dans l’espoir d’y découvrir de belles histoires. La réalité de notre époque va chambouler notre héroïne, perdue face à l’horreur que le présent lui oppose. 

Elle y découvre la guerre, un Moyen-Orient ravagé par les armes et la pauvreté. Son chemin lui fait tout d’abord croiser deux enfants (interprétés par Albertine de Fouchécour et Rémi Granville), obligés de voler pour survivre dans un Souk. Premier choc de son voyage, ces deux enfants ne sont pas à l’école, leur ville ayant été bombardée, ils errent dans les rues livrés à eux même. Une note d’espoir subsiste cependant, la jeune fille a tout de même entendu le conte de l’homme et du perroquet, une part d’enfance est toujours préservée en eux.

« Mais aujourd’hui, le roi réclame des récits, 

Exigeant qu’ils soient à nul autre pareil. 

Sous la contrainte de la menace, avant le lever du soleil,

Je dois ravir les souhaits de mon époux, 

Au risque, ma soeur et moi, de nous faire trancher le cou. 

Il me semble avoir déjà tout raconté, 

Toutes les fables que je connaissais. 

Suppliante, je lui priais de m’ouvrir les portes du palais, 

Et lui promettais de revenir pleine de souvenirs. 

Il finit par accepter de me laisser partir. 

Mais de peur de me voir lui échapper, 

Dunyazade, dans le cachot, restera enfermée. 

Afin de m’inspirer d’un ailleurs, de traverser les temps. 

J’ai choisi le vingt-et-unième siècle pour découvrir l’Orient.» 

Shéhérazade

S’ensuit la rencontre avec un homme dur et froid, croyant extrémiste (interprété par Léo Hernandez). Il se révolte à l’idée que cette femme ose lui répondre et ne porte pas le Niqab. Agathe nous dépeint ici un personnage dominant et rustre, critique ouverte du mode de vie et de perception de la femme par une part de la population. Critique politique et social, notre metteuse en scène s’attaque ainsi à des mœurs et coutumes. Nous garderons tout commentaire quant à cette scène au combien politisé, nous garderons surtout en tête le jeu de nos deux comédiens, justes et touchants. 

Shéhérazade se verra confrontée à d’autres situations que nous vous invitons à découvrir en allant aux représentations de cette pièce. Une chose est sûre, La compagnie à ciel ouvert nous offre ainsi une critique sociale et politique de l’état actuel du Moyen-Orient, invitant à la réflexion sur l’état actuel de notre monde. Shéhérazade conclura d’ailleurs en faisant remarquer aux spectateurs qu’entre un Sultan assassin et un Moyen-Orient en guerre, finalement son époque n’est peut être pas ce qui se fait de pire. 

La traversée

“La danse, le jeu et la musique mettent en exergue une certaine sensualité que l’on retrouve dans les contes initiaux. C’est un tout autre imaginaire qui gouverne le spectacle, il n’y a pas de tapis volant, de génie ou de lampe magique mais la pièce est traversée par des images de guerre qui interfèrent avec le quotidien des habitants.” nous explique Agathe Coquelle. 

Mais que serait une pièce sur le Moyen-Orient sans musique et sans danse? On touche là au point le plus fort de cette pièce. Agathe nous offre des chorégraphies millimétrées et rythmées sur fond de musique orientale d’un délice à couper le souffle. Tantôt une danse qui par le bruit des pieds des acteurs sur le sol suit un rythme endiablé. Tantôt une danse onirique d’un corps se contorsionnant avec volupté, on en prend plein les yeux et les oreilles: époustouflant ! La pièce est aujourd’hui encore à l’état de maquette, mais nul doute que celle-ci trouvera sa finalité prochainement. 

Retrouvez les sur instagram: @lacompagnieaco 

Contact direct: lacompagnieaco@gmail.com 

Voici qui clôture notre voyage au Moyen-Orient et ses danses sensuelles qu’on nous a présentées. La semaine prochaine nous irons découvrir un troisième et dernier univers pour clôturer cette trilogie de spectacles. “Les aveugles” de Maurice Maeterlinck mis en scène par Clara Koskas.