L’école du jeu est une école de théâtre créée en 2004 par Delphine Eliet, basé sur une méthode de travail singulière, qu’elle intitule « Technique de Confirmation Intuitive et Corporelle« . Cette méthode repose sur un principe simple : utiliser l’intelligence du corps, l’état de Jeu et l’imagination pour se défaire de ses limitations et du carcan de l’image que l’on a de soi.
Elle forme ainsi au sein de son école située dans le quartier de Barbès à Paris les futurs comédiens de demain. Un cycle long en 3 ans qui repose sur un enseignement rigoureux, cultivant l’art de l’effort et de la répétition, où le travail sur le corps, la concentration, l’écoute et la maîtrise du texte en jeu ont une place prépondérante.
Le Styx était invité pour assister à 3 représentations aux “Cartes blanches” où les élèves en fin de cycle (3ème année) nous ont présentés leurs créations sur lesquelles ils ont travaillé tant à la mise en scène, à l’écriture qu’à la représentation. Nous allons vous faire découvrir ces 3 pièces par le biais de 3 articles différents détaillant chacun son propre spectacle semaine par semaine.
Le Roi se meurt – Ionesco mis en scène par Granville Rémi – BigCity Compagnie
“ Aujourd’hui, le roi doit mourir. Il doit être informé que la fin de son règne est proche. Comment va-t-il réagir face à cette nouvelle ? Comment sa cour va-t-elle s’employer à lui décrire sa décrépitude et celle du monde ? Venez assister à la fin d’un cycle et peut-être à la naissance d’un nouveau. Venez écouter la langue de Eugène Ionesco, au travers d’une esthétique moderne aux rythmes variés.”
Notre metteur en scène, Rémi Granville, s’attaque à un mastodonte du théâtre, Le roi se meurt, texte de Ionesco. Cette pièce absurde traite d’un sujet auquel nous sommes tous un jour confrontés: la peur de la mort. Le roi, se croyant immortel de par son statut, est ramené à la réalité de son être lorsque la maladie l’entraîne inexorablement dans la tombe. Pour lui annoncer la terrible nouvelle et lui faire entendre raison, la pièce se compose de 5 autres personnages:
- la reine Marguerite: interprétée par Guénaëlle Auffret, elle est forte, inflexible et prépare le roi à mourir.
- la reine Marie : interprétée par Mélina Pouchoux, aimante et préférée du roi, représente le cœur et les sens, les plaisirs de la vie, l’insouciance, l’illusion et le passé. Elle soutient le roi dans son fantasme d’immortalité mais n’oppose à Marguerite que des arguments dérisoires et fragiles.
- le médecin: interprété par Paul Rainaut, logique et implacable, n’est qu’homme de science et de savoir et ne jure que par ceux-ci.
- la femme de ménage: interprété par Lucie Langlois, drole et serviable, représente le peuple, le commun des mortels.
- le garde batteur interprété par Simon Lemonnier.
- le Roi Bérenger: interprété par Léo Barret, arrogant et cynique à souhait.
Rémi Granville nous offre ici une version de ce texte prenant place dans notre société. Si les rôles restent inchangés, on dépeint un Roi pouvant livrer bataille debout sur l’aile d’un avion de chasse tant celui-ci est absolu. Notre garde rythme cette scène en réaction aux actions et dialogues en cours par le biais d’une batterie de musique créant un décalage comique superbement senti tout au long de la représentation. Nos deux reines, le médecin ainsi que la servante débattent sur comment annoncer à leur roi que celui-ci se meurt, et que ses ordres, auparavant absolus, sont maintenant inefficaces faisant mourir terre et peuple de son pays.
« Il était le roi d’un grand royaume.
Il en était le prince. Le premier sujet.
il en était le père, il en était le fils.
Il en fut couronné roi au moment même de sa naissance.
Ils ont grandit ensemble son royaume et lui,
ils disparaissent ensemble. » Eugène Ionesco
Une fois l’annonce faite, viens le cœur de la pièce, comment un homme, qu’il soit roi ou non, réagit-il face à sa mort proche? Au-delà du burlesque et de l’absurde, l’auteur se pose en observateur rigoureux du comportement de l’homme et le met en scène face à sa propre mort. Pris au dépourvu par l’annonce de sa mort, le roi est envahi par différents sentiments : l’incrédulité, le refus, l’indignation, la révolte, l’impuissance, la peur, l’accablement, la résignation…
Pourquoi ce texte en particulier? Rémi nous reponds “ Pour ouvrir les discussions et les réflexions. Phobique de la mort, j’ai mis de nombreuses années à trouver un calme face à mon avenir inévitable. C’est en échangeant et en partageant mes doutes que j’ai réussis à m’appaiser.”
Drôle et touchant, Rémi Granville as sût s’accaparer les enjeux de la pièce, resté fidèle aux sujets et émotions suscité par le texte tout en y ajoutant sa propre touche d’humour en mettant cette scène dans notre époque. Le décalage entre la situation et des textes mis à l’ordre du jour crée un effet comique des plus réussis, appuyé par sa troupe de comédiens tous aussi doués les uns que les autres. Mention spéciale aux costumes de la pièce sur lesquels un travail monstre a été effectué: tous composés à la main de morceaux de Jean et de tissus contemporains, on en prend plein les yeux et l’on ne peut qu’applaudir chaudement le travail fait par Juliette Megevand.
Rémi Granville et toute son équipe travaillent actuellement sur la suite du spectacle. Retrouvez le spectacle complet dans un format de 1h30 à partir de mars prochain. Ils auront besoin de vous pour voir ce projet aboutir avec une cagnotte en ligne ouverte il y a peu. Retrouvez les sur instagram: @bigcity_cie. Contact direct: bigcity.compagnie@gmail.com. La semaine prochaine nous nous pencherons sur la deuxième pièce de ces cartes blanches “La Traversée” par Agathe Coquelle